Par Elisabeth Chevrier
Agrandir ta famille ou pas? On dirait qu’il faut le savoir tout de suite. Tu accouches et on te demande déjà si tu veux un autre bébé. Je ne comprends pas cette envie de toujours penser à plus tard. On se contente rarement de ce qu’on a devant nous. Le moment présent n’a plus sa place…en fait, il n’avait plus sa place jusqu’à tout récemment.
Nous avons tous été mis en confinement en même temps et on nous a demandé de rester chez soi. Nous avons tous été confrontés au présent. Il fallait combler les moments de solitude qu’on nous avait imposés, trouver des occupations, divertir l’ennui… il était impossible de se projeter dans l’avenir pendant plusieurs semaines, mois..et à vrai dire, il est encore difficile de voir ce qui va suivre.
Qu’est-ce que tu vas faire plus tard? Ce genre de questions sont maintenant angoissantes. Elles n’ont plus leur place. Ces questions qui étaient une partie intégrante de nos conversations sont dorénavant évitées. Elles nous font peur. Nous qui vivions constamment pour le futur, nous devons vivre le moment présent pleinement. Impossible de l’éviter; il est là, tout le temps. Ce présent qui nous a échappé depuis toujours. Maintenant, nous avons l’occasion de nous poser et de nous regarder vivre. De regarder la façon dont on vivait avant tout cela. Nous avons tous hâte que la vie redevienne un peu plus normale. Mais qu’est-ce qui va en ressortir? Est-ce que nous allons recommencer où nous avons tout laissé?
Vivre à un rythme accéléré, courir toute la semaine pour se rendre au week-end, manger des plats préparés pour gagner du temps en famille, dire bonjour à son chum seulement à 17h00 en revenant du travail… J’ai toujours pensé que la société actuelle nous en demandait trop. Qu’il fallait toujours performer, être à son meilleur et faire le plus possible en moins de temps. J’ai toujours mis la faute sur notre ère, sur le collectif…mais en fait, pendant cette pandémie, qui a mis sur pause le monde entier, j’ai réalisé que nous étions tous un peu coupables. Parce qu’on y adhère… parce qu’on y contribue et qu’on l’encourage. Parce qu’on demande à nos collègues d’être plus si et moins ça, ou qu’on dit à notre chum d’en faire plus et trop en même temps. Parce qu’on veut être bon dans tout et faire tout au même moment; on veut faire du yoga pour prendre soin de nous et aller au gym pour être en forme; on veut voyager et se construire une maison pour se sentir chez soi quelque part; on veut dépasser nos objectifs au travail et passer nos soirées à encourager nos enfants dans leurs activités parascolaires…mais on prend le temps de faire quoi réellement? Nous n’apprécions vraiment aucun de ces moments parce que nous pensons déjà au prochain. La majorité d’entre nous vivons pour l’avenir, pour ce qui suivra. Cette pandémie aura au moins permis de rencontrer ce présent qu’on avait oublié. Ce présent qui nous faisait de l’œil, mais qui sombrait dans l’ombre du futur. Enfin, il peut reprendre sa place et réclamer son importance dans nos vies.