Éclater en milliers de morceaux de verre

Par Katrine Delorme

As-tu peur de mourir? C’est la question que je ne lui ai pas posée. C’est pourtant la première qui m’est venue en tête lorsque j’ai su. Lorsque j’ai éclaté en petits morceaux de verre comme dans cette fameuse publicité. Ces morceaux de verres à elle devaient être encore plus petits que les miens. Ça en fait plus à recoller. À reconstruire. À ne pas perdre. Assise en face de moi, je l’écoute répondre à mes questions sur cette maladie qui a décidé de prendre abri dans son corps. En partant avec une partie de celui-ci. Une partie bien féminine. Belle. Pas irremplaçable parce qu’il semblerait que c’est une des premières choses qu’ils font maintenant, t’en mettre un tout nouveau. Mais pas le sien. Parce qu’il était trop malade. Malade. Quel drôle de mot. Le même passant d’une grippe à ce fichu démon qui agrippe tant de vie. Le même mot pour une intensité incomparable. Pour un «petit bobo» et une maladie. Pourtant, elle n’a pas « l’air malade », malgré sa perte de cheveux. Avoir l’air malade, je ne sais même pas ce que je veux dire par là. Peut-être en fait que je ne trouve pas ça juste. Peut-être aussi parce que j’ai toujours eu une peur bleue du cancer et que le savoir au sein de ma famille m’effraie encore plus. Vous voyez ce que je fais? Je vous parle de ma peur. Alors que ce n’est pas moi qui le vis. Mais on fait tous ça, non? Je signais un texte sur le blogue Roby & cie il n’y a pas si longtemps concernant Feue Johanne Fontaine et Annick Lemay et je me souviens qu’au moment de l’écrire j’ai été envahit d’une grande tristesse. Je me suis dit « Et si ça m’arrivait, aurai-je le même courage? » Et c’est ce que je me demande encore aujourd’hui. J’y écrivais d’ailleurs ceci: « Surtout, comment ne pas avoir l’air ingrate d’écrire ce texte, moi jeune, presque trentenaire en santé. La vie m’a déjà durement écorchée récemment. Elle m’a presque quittée. Bref. Mais quand la santé revient, on oublie qu’elle peut repartir. Que ce n’est pas pour la vie la santé. Que c’est pas gratuit ni acquis. Qu’il faut essayer de la préserver et que même si on fait de notre mieux, du jour au lendemain, elle peut nous être arrachée. »

La santé. Cette fameuse santé, qu’on nous souhaite chaque année sous les lumières du sapin qui trône au centre de nos maisons. Comme cette fichue maladie qui lorsqu’elle entre dans nos vies semble y prendre son trône. À ça j’aurais simplement envie de dire: restons donc reines. Comme elle.

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