Prise en otage

Par Elisabeth Chevrier

On s’est côtoyé plusieurs années. Je te voyais dans les yeux des autres. J’essayais de les aider à s’aimer même si tu étais là. J’essayais de les guider à apprendre à vivre avec toi même si c’était difficile. Parce que tu arrives à enlever le goût de vivre à certain ou à les faire s’imaginer que les autres veulent qu’ils disparaissent.

Parce qu’à toi seul tu peux changer la vie de quelqu’un et ça presque du jour au lendemain.

Tu te présentes sous différentes formes, mais ça revient toujours au même…tu t’incrustes, tu bousilles tout et tu remets tout en question. Tu t’imposes et tu fais des dégâts un peu partout. Tu prends les décisions et c’est rarement les bonnes. On te cache, on ne parle pas de toi, on fait tout pour éviter le sujet. Alors les personnes que tu envahis finissent par en parler à des gens qu’ils ne connaissent pas… parce que rester seul avec toi, c’est un cauchemar.

Et puis un jour je t’ai aperçu dans mon miroir.

Je ne t’avais pas vu venir.

Moi qui te voyais partout, je n’avais pas senti ta présence.

C’est comme si tu étais apparu par surprise. Mais je sais que tu as de l’expérience, tu as pris ton temps. Tu savais que tu devais être silencieux pour prendre ma tête prisonnière.

J’ai eu peur. J’ai eu peur que tu restes là pour toujours. Que tu t’en prennes à moi jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Que tu prennes toute la place comme tu as l’habitude de faire. Je t’ai vu à l’œuvre plus d’une fois. Je sais de quoi tu es capable.

Je t’ai laissé me frôler, tu es parti et ensuite tu es revenu. J’ai tout fait pour te chasser…je t’ai ignoré, je me suis fâchée, j’ai demandé de l’aide sans vraiment le faire… je t’ai confronté, je t’ai enfermé…je me suis épuisée.

Je n’arrivais plus à me voir dans le miroir; je ne voyais que toi.

Tu étais mon reflet, je me suis perdue dans ton ombre.

Tu m’avais prise en otage.

J’ai soudainement réalisé que tu étais partout. Que personne n’était vraiment à l’abri. Que tu pouvais t’en prendre à tout le monde, sans jugement, sans discrimination.

Qu’il fallait désormais que j’apprendre à vivre avec le fait que tu pouvais revenir. Que j’avais plein d’outils pour te chasser, mais que ça allait être le combat d’une vie.

Tu m’as envahi une fois. Tu connais mes faiblesses alors tu sais où frapper.

Mais comme toi j’aime être le boss alors il va falloir trouver une façon de s’entendre. Parce que ma tête m’appartient et je ne te laisserai plus t’emparer d’elle.

Vous aimerez peut-être aussi...