Un pour tous et tous pour un

Par Elisabeth Chevrier

J’ai toujours envie d’écrire.
Je suis toujours excitée de débuter un nouveau texte.
Mais celui-là, juste de penser aux prochaines lignes que je vais écrire me fait mal.
Je sens mon coeur qui se serre juste à penser à ce qui s’en vient.

Je sais que ça fera mal. Mais je le fais parce que je ne suis pas seule. Je sais qu’il en a d’autres qui vivent quelque chose de similaire. Et que parfois lire une histoire qui ressemble à la nôtre peut apaiser cette douleur. Et aussi, juste de l’écrire, de la déposer sur cette page, ça m’aidera peut-être à la laisser partir un petit peu. De laisser la paix à mon coeur qui étouffe.

Cette année, je ne goûterai pas la bûche choisie par la grand-mère de mon chum.

Cette année, je ne placerai pas la table qui accueillera les invités chez ma mère pour le Réveillon.

Cette année, je ne regarderai pas ma meilleure amie dans les yeux pour lui dire «pour toi je le ferai mille fois».

Ce soir, nous avons choisi de ne pas célébrer le temps des Fêtes avec nos proches. De rester à l’autre bout de la planète pour les protéger. Parce qu’on va mettre nos besoins et nos envies de côté par amour pour eux. Pour éviter le risque. Ce maudit risque qui nous pourrit la vie à tous.

Parce qu’on a des grands-parents, des arrière-grands-parents…parce qu’on a des parents à qui l’on tient et pour lesquels on est prêt à pleurer toutes les larmes de notre corps parce que nous ne pourrons pas leur présenter nos nouveaux bébés.

Parce qu’on s’est dit que de passer de famille en famille, ce n’était pas tellement moralement responsable. Que 5 ou 10 personnes, c’était quand même trop. Que ce cauchemar n’était pas fini et que nous ne voulions surtout pas y contribuer. Qu’en fait, on ne se le pardonnerait jamais…

Que ça ne valait pas la peine de mettre toutes ces personnes importantes pour nous à risque même si nous n’avons jamais eu autant besoin d’eux dans notre vie.

Lorsque je ferme les yeux, j’imagine les lumières dans le salon de mes beaux-parents, la belle robe de ma mère et sa merveilleuse nappe de dentelle… J’imagine ma tante danser sur du karaoké et mon père pleurer de joie. Je sens les petites bouchées qui cuisent dans le four et j’entends les cartes qui se tournent sur la table en après-midi. Mes yeux se remplissent d’eau. Mon coeur se serre, je le sens se briser.

Cette année, l’année la plus importante de ma vie, je ne pourrais pas la partager avec les personnes que j’aime. Mais je le fais par amour et je nous souhaite à tous de pouvoir penser encore un peu à eux, même si c’est difficile présentement… Parce que c’est ensemble que nous pouvons changer les choses. Un pour tous et tous pour un.

Vous aimerez peut-être aussi...